5 Février 2021
Changement climatique, préjudice/dommage écologique
L’Accord historique de Paris sur le changement climatique du 12 décembre 2015 visant à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques doit permettre de contenir l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels (art. 2). Le jugement du Tribunal Administratif de Paris du 3 février 2021 http://paris.tribunal-administratif.fr/content/download/179360/1759761/version/1/file/1904967190496819049721904976.pdf), considéré comme "l'Affaire du Siècle" (Regroupement des ONG, Notre Affaire à tous, Greenpeace France, Fondation Nicolas Hulot et Oxfam France) précise les engagements de l’Etat en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Le regroupement des ONG réclamait la reconnaissance de la carence de l’Etat français dans la lutte contre le changement climatique, l’obtention de sa condamnation à réparer non seulement leur préjudice moral, mais également le préjudice écologique et mettre un terme aux manquements de l’Etat à ses obligations. Dans son jugement, le TA de Paris estime que l'existence d'un tel préjudice se manifeste notamment par l'augmentation constante de la température globale moyenne de la terre et que l'Etat est responsable d'une partie de ce préjudice dès lors qu'il n'avait pas respecté ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Par conséquent, une demande de réparation du préjudice écologique est possible.
Dans les pays africains, cette question du dommage écologique est prise en charge par la législation, notamment au Sénégal avec la loi no 2001-01 du 15 janvier 2001 portant Code de l'environnement. Cette dernière définit le dommage écologique en son article L 2.10 comme : « tout dommage subi par le milieu naturel, les personnes et les biens, et affectant l’équilibre écologique. Il peut s'agir « des dommages de pollution causés par l’homme et subis par des patrimoines identifiables et particuliers». Dans la jurisprudence, l’affaire de l’Alamadraba Uno constitue un bel exemple de la mise en œuvre de cette disposition. Le navire de Pêche espagnol Almadraba Uno s'était échoué sur les rochers du bel endroit que constitue le Parc national des îles de la Madeleine. Le Tribunal Régional hors classe de Dakar (jugement n° 5424/2013 du 9 octobre 2013, Ministère public et autres c/ J. A. Azkaraté, J. A. Amparan Cuadra et G. E. Wobenetsi) avait condamné l'armateur pour atteinte aux fonctions écologiques des espèces. Pour le juge, « l’endroit regorge dans sa partie marine, de ressources halieutiques et constitue une zone de frayère pour les poissons-mollusques et autres crustacés » et avec «...la quantité de gasoil déversée (…) il y a nécessairement des conséquences sur l’écosystème, notamment la pollution des zones de frayère ». Pour un commentaire de ce jugement, voir (https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers20-04/010077630.pdf).
L'affaire récente en Hollande qui a duré après plus de 13 ans de procédure a permis la condamnation du géant pétrolier Shell pour des fuites de pétrole qui ont gravement pollué trois villages dans le Delta du Bassin du Niger. La juridiction saisie estime que Shell est responsable des dommages résultant des déversements de pétrole, que trois agriculteurs seront indemnisés et que dans l'un des villages ayant subi les dommages, Shell doit aussi équiper l'oléoduc d'un système de détection des fuites pour limiter les dommages environnementaux à l'avenir ( https://www.novethic.fr/actualite/environnement/pollution/isr-rse/pollution-petroliere-shell-condamne-par-un-tribunal-neerlandais-pour-son-manque-de-vigilance-dans-le-detroit-du-niger-149476.html). Les documents électroniques ont été consultés le 5 février 2021.
Ces décisions dénotent de la part du juge une volonté de protéger notre écosystème de la France au Nigéria, en passant par le Sénégal, avec l’empreinte écologique hollandaise
Bonne lecture
Moustapha NGAIDO, le 5 février 2021