15 Septembre 2014
Demba Sy, Droit administratif, Dakar, Paris, CREDILA et L’Harmattan,
2ème éd. revue, corrigée et augmentée, juin 2014, 420 p.
Le droit administratif est un enseignement de base dans les facultés de droit. À travers, cette matière de droit public, moins médiatisée que le droit constitutionnel et pour certains, moins ésotérique que les finances publiques, il s’agit de déterminer les règles qui s’appliquent à l’Administration (droit administratif organisationnel) et aux rapports qu’elle entretient avec les administrés (droit administratif relationnel). Par conséquent, l’utilité sociale du droit administratif est évidente et une telle matière mérite d’être accessible au public.
C’est à cette exigence que répond l’ouvrage du Professeur Demba Sy, fruit de plusieurs années d’enseignement de droit public. L’ouvrage, intitulé « Droit administratif » en est à sa seconde édition. Ainsi, pour un accès à un plus grand public, le Centre de Recherche d’Etudes et de Documentation sur les Législations Africaines (CREDILA) de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar s’est associé à l’éditeur l’Harmattan. L’ouvrage permet d’enrichir la pensée des auteurs communément appelée doctrine (étymologiquement « doxa » signifie « opinion », ou « docer », « enseigner »).
Par rapport à la première édition qui date de 2009, et dont la présentation a été faite dans ce site, il y’a une meilleure configuration de l’ouvrage, en raison notamment de l’implication d’une grande maison d’édition. Cette édition était attendue en raison des changements introduits dans le paysage juridique et institutionnel au Sénégal.
D’emblée, et dans l’avant-propos, relativement au meilleur produit d’exportation du droit français, l’auteur propose de « traiter la théorie du droit administratif en partant de l’exemple français et montrer chaque fois que cela est possible les applications au Sénégal…avec une variante qui consiste quelques fois à partir de solutions sénégalaises si elles sont suffisamment élaborées et de les éclairer par la théorie du droit administratif français » (p. 13). Une telle conception affine celles proposées par le Doyen A. Bockel (Droit administratif, Dakar-NEA, 1978, 578 p.) et le Professeur Babacar Kanté (B. Kanté, Unité de juridiction et droit administratif : l’exemple du Sénégal, Thèse, Orléans, 1983, 426 p.) qui ont eu à enseigner le cours de droit administratif dans cette prestigieuse université africaine. Le professeur Demba Sy, dans le chapitre introductif, à propos du débat relatif à la définition large ou restreinte, préfère : « s’attacher…à décrire le droit spécial applicable à l’administration » (p. 27) en raison de l’objet limité de l’ouvrage. D’ailleurs, même dans le pays qui a vu naître le droit administratif, on continue encore à s’interroger sur cette discipline (J.-M. PONTIER, Qu’est-ce que le droit administratif ?, AJDA, 2006, p. 1938).
Au plan formel, l’ouvrage comporte six parties et est précédé d’un chapitre introductif (pp.15-52) qui retrace le contexte du droit administratif au Sénégal, à travers le modèle de référence. La première partie traite de l’administration et de son droit et fait l’historique d’une telle notion et le sens du principe de légalité y est précisé. La dualité du régime juridique applicable à l’administration et une question que l’on semble oublier, à savoir le critère du champ d’application du droit administratif ont aussi été abordés dans cette partie. La seconde est relative aux différents types de contrôle exercés sur l’administration, la troisième présente l’organisation administrative ; la quatrième est consacrée aux formes de l’action administrative ; la cinquième concerne les actes juridiques de l’administration et la sixième porte sur la responsabilité administrative.
Le Professeur Demba Sy analyse ainsi de nouvelles institutions à travers l’acte 3 de la décentralisation qui consacre la réforme de l’administration locale par la territorialisation (Loi no 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités Locales). Le contentieux administratif qui s’est beaucoup développé aussi bien du point de vue du plein contentieux que du point de vue de « la plus merveilleuse création des juristes » (G. Jèze) à savoir le contentieux de l’excès de pouvoir, a été largement analysé. Le professeur Demba Sy a, à cet égard, utilisé les ressources disponibles depuis la mise en place de la nouvelle Cour suprême avec la loi no 2008-35 du 8 juillet 2008 et la publication, même si c’est de manière partielle, de la jurisprudence administrative de cette juridiction. Cette nouvelle « fabrique du droit » (B. LATOUR, La fabrique du droit – Une ethnographie du Conseil d’Etat, La Découverte, 2002, p. 138) permet de mieux protéger les libertés. L’arrêt de sa Chambre administrative en date du 13 octobre 2011, Alioune Tine c/Etat du Sénégal en constitue la preuve : « Considérant qu’en l’espèce, le préfet s’est borné à invoquer la difficulté de l’encadrement sécuritaire sans même alléguer l’éventualité de troubles à l’ordre public… ». Après un tel réquisitoire, l’acte administratif en cause ne pouvait être qu’annulé. Le Professeur Demba Sy cite une jurisprudence importante tout au long de l’ouvrage. Nous pensons que c’est l’occasion de ressusciter le Conseil d’Etat crée par la loi no 92-24 du 30 mai 1992, comme l’a aussi suggéré l’avant Projet de Constitution proposé par la Commission nationale de réforme des institutions (art. 14). On peut se demander que vient faire un Commissaire de Gouvernement représentant de l'administration auprès d'une telle juridiction ? Le rôle traditionnel de Commissaire de gouvernement autorité devant faire des conclusions en toute indépendance était à reconduire, malgré les critiques dont une telle institution a fait l’objet. L’actuel Commissaire du droit prévu par la loi organique no 2008-35 du 7 août 2008 relative à la Cour Suprême étant en réalité un agent « chargé d’exposer à l’audience le point de vue de l’administration » (art. 45-1) et non l’autorité chargée de donner en toute indépendance son éclairage juridique.
Il faut quand même regretter l’absence d’une table de jurisprudence à la fin de l’ouvrage.
Par ailleurs, malgré le travail de revue et de correction de la première édition de l’ouvrage, certains textes auraient dû être actualisés dans cette nouvelle édition :
Il est vrai que certains oublis sont souvent inévitables en raison du délai parfois long entre la date du dépôt du manuscrit et sa publication.
L’ouvrage sera certainement utile aux étudiants en Sciences juridiques, pour ceux qui préparent les concours administratifs, ceux qui travaillent au quotidien sur le droit de l’administration ou encore pour ceux qui veulent encore se remémorer les années glorieuses du droit administratif.
Moustapha Ngaido
Dr en Droit Public